Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/470

Cette page a été validée par deux contributeurs.

range parmi les anthropophages. D’où vient cette contradiction ?

Je réponds que la conscience n’est que juste : c’est la loi pénale, c’est l’économie sociale, la propriété et la casuistique qui ont tort.

La loi positive, autrement dire la Justice appliquée, fondée sur une appréciation telle quelle de la raison des choses, n’étant jamais qu’approximative, ne peut aller jusqu’à sacrifier la raison des personnes. La contradiction surgit-elle ? La conscience dit et proclame que l’homme d’honneur ne doit pas attendre la définition du savant et le décret du prince : il supplée l’une et l’autre, cherche la Justice, et la pratique dans sa plénitude.

C’est en vertu de ce principe que l’Évangile, avec sa maxime de charité que quelques-uns ont de nos jours essayé de rajeunir, a fait illusion aux esprits. Cette vertu héroïque, que le Christ recommande à ses disciples, que l’Église ne cesse de prêcher, mais dont elle n’a jamais osé faire une loi, n’est autre que la compensation que les âmes généreuses apportent d’elles-mêmes à l’injustice du système ; compensation précieuse parce qu’elle est volontaire, mais insuffisante tant qu’elle ne sera pas convertie par la Révolution en lien de droit, et dont l’assistance publique, l’aumône organisée, fait une hypocrisie et une honte.

Le temps viendra où, par le développement de la science sociale, les rapports de Justice étant de mieux en mieux déterminés, les choses de conseil passeront dans les préceptes, à peu près comme on le voit dans le contrat d’assurance, qui a précisément pour but de remplacer par un droit positif le bénéfice précaire de la charité. C’est encore ainsi que pour le soldat l’obligation de secourir son camarade, même au péril de ses jours, de se faire tuer pour sauver le drapeau, est de justice : où en serait