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remarqué du tout, car je ne me souviens de l’avoir vu nulle part, c’est qu’au moyen de cette maxime, la première peut-être qu’ait formulée le cerveau humain, et dont on retrouve la trace chez les sages de la Chine plus de 2,000 ans avant Jésus-Christ, la distinction du bien et du mal est faite, conséquemment la loi édictée, pour tous les degrés de civilisation et tous les cas possibles.

C’est le Fiat lux du législateur, à l’aide duquel il n’y a plus d’actions indifférentes, quelque variable que soit la formule qui les régit ; plus d’incertitude sur le juste et l’injuste, en un mot plus d’excuse à l’infraction.

Un de mes regrets, en lisant l’Essai de M. Cournot sur les fondements de nos connaissances, a été de voir ce savant homme, entraîné par son idée fixe de la raison des choses, raisonner de la Justice et de la morale comme le théologien Mgr Th. Gousset, et appliquer son système de probabilité à la distinction des crimes et des délits : comme si la Justice avait sa raison dans les choses ! comme si cette raison juridique n’était pas au contraire, ainsi que nous le montre la Constitution de 95, tout entière dans les personnes ! Eh ! sans doute, monsieur l’Inspecteur, votre calcul de probabilité peut être utile s’il s’agit d’évaluer un produit, d’apprécier un service, une situation, un dommage, de fixer le juste prix des marchandises, le taux exact de l’intérêt ou de l’escompte ; mais ce n’est pas dans ce calcul, dans cette détermination objective, que se trouve la Justice, et, quelque erreur que nous commettions à cet égard, la certitude du droit n’en peut souffrir. La Justice est dans notre volonté et résolution de traiter autrui, en toutes choses, comme nous-même, c’est-à-dire selon le principe de l’égalité, autant qu’elle nous apparaît, et nonobstant l’erreur commise de bonne foi par les parties, laquelle erreur, quelque tort qu’elle