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eti inaliénable, est devenue égalitaire et mobile, et que le principe de solidarité, à peine soupçonné des anciens, apparaît de plus en plus dans sa vérité et sa puissance. Ce mouvement est un des aspects les plus caractéristiques des mœurs humaines, et peut servir jusqu’à certain point de guide au moraliste. Ce sera, si l’on veut, un moyen d’utile prévoyance ; je nie sa valeur quant à l’obligation qui peut en résulter pour la conscience.

Le progrès dans la société, et en ne tenant pas compte des rétrogradations, dont il faut pourtant faire la part, est insensible ; il ne se manifeste qu’à de longs intervalles : en attendant quelle sera la règle des individus, dont la vie est si courte ? Supposant le taux moyen de l’intérêt de 12 pour 100 vers la fin de la république romaine, il a fallu dix-huit siècles pour l’abaisser à 5 pour 100. Depuis Charlemagne, que nous prendrons pour point de départ de la féodalité, il s’est écoulé près de onze siècles pour produire le système de gouvernement constitutionnel. Ainsi du reste. Entre temps, quelle était la règle des consciences ? Eût-il suffi d’invoquer le progrès, quand même elles en auraient eu l’idée ? Et nous qui avons l’air d’y croire, quel usage pouvons-nous en faire pour notre vertu ? Savons-nous seulement de quel côté nous allons ? Et si nous ne le savons pas, comment pouvons-nous nous flatter de posséder un critérium ? Où est le bien, où est le mal, à cette heure ; en France et par toute l’Europe ? Je défie qui que ce soit, philosophe ou prophète, s’il ne possède d’autres lumières que celles qui ont cours, de le dire.

XV

Pour démontrer l’existence en nous d’une faculté juridique, je me suis adressé à Descartes, l’un des pères de la Révolution. Pour trouver le principe de détermination