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térêt rende 30 et 40 pour 100, et dans ces conditions les emprunteurs réalisent encore de gros bénéfices. De ces faits et d’une infinité d’autres les économistes ont conclu, non sans raison, qu’il en est de l’intérêt des capitaux comme du prix des produits, qu’il varie selon l’offre et la demande, et que, si quelqu’un est à blâmer ici, c’est le législateur, qui a créé un délit en réglementant un fait non susceptible de réglementation.

Si quelque chose peut faire chavirer la Justice, c’est assurément que le législateur soit soupçonné d’ineptie ou d’arbitraire. Tout est usure ou rien n’est usure. Dans l’un comme dans l’autre cas, plus de règle morale, plus de Justice, ce qui cependant paraît aussitôt absurde. Car, si la société ne peut se passer de crédit, et si ce crédit doit être payé, il répugne cependant qu’il n’y ait pas pour le crédit, comme pour tous les services, un taux moyen, normal, susceptible par conséquent de devenir l’expression du droit.

Il me serait aisé d’étendre cette argumentation à tous les faits de la vie collective ou individuelle qui impliquent un rapport de Justice ; et je demanderais, à chaque article : Où est la moralité du serment ? où l’immoralité du parjure ? Où est la moralité de la propriété ? où l’immoralité du vol ? Mais il me répugne de ressasser des critiques devenues familières à tous les hommes instruits.

XIV

Une conséquence de cette incertitude dans la distinction du bien et du mal est que chacun, plus frappé dans son sens intime de l’immoralité de certains actes que de la criminalité de certains autres, se fait une morale à soi, toute différente de celle du prochain : ce qui produit la plus étrange cacophonie.