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Décomposez cette pensée, ce moi ; l’argument, pour être détaillé, ne perdra rien de sa force.

L’œil, se sentant voir, dira : Je vois, donc je suis.

L’oreille : J’entends, donc je suis.

L’estomac : Je digère, donc je suis.

Le cœur : J’aime, donc je suis.

Mettez telle faculté ou tel organe que vous voudrez, il dira : Je fonctionne, donc je suis. Si la pierre qui tombe pouvait parler sans cesser d’être pierre, elle dirait à Pyrrhon, à Berkéley : Je gravite, donc je suis.

Et remarquez la marche du raisonnement. Ce n’est pas de la notion métaphysique de substance ou de cause, mais bien du phénomène de la fonction, que Descartes a tiré cet argument qui tue le doute, argument qui du reste rentre dans la démonstration du Cynique, devant qui l’on niait le mouvement et qui se mit à marcher.

Eh bien ! il est en moi une faculté, partie intégrante et constituante de moi, faculté mal servie peut-être par mon intelligence, plus mal servie encore par ma volonté, mais dont vous, théologien psychologue, vous êtes forcé de reconnaître l’existence, puisque vous élevez le doute sur sa lucidité et son énergie, et que vous lui offrez le collyre de votre religion : c’est la Conscience.

J’entends par conscience, dans l’ordre d’idées que je traite, la faculté ou le contenant dont la Justice est le produit ou le contenu ; faculté qui est à la Justice par conséquent ce que la mémoire est au souvenir, l’entendement au concept, le cœur à l’amour, etc. Ceci nous explique en passant pourquoi la conscience et la Justice se prennent fréquemment l’une pour l’autre : la même chose arrive pour les autres facultés.

Avant donc de savoir si elle est obligée ou si elle ne l’est pas, antérieurement à toute idée de droit et de devoir, cette faculté vous dit : Il est des choses que je juge à priori