Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/439

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour mieux dire à la folie ; qu’il n’y a que la grâce du Christ qui puisse lui tracer une loi, la sauver du péché, et lui donner le courage de la vertu.

Ce qui revient à dire que le même doute que soulevaient les Pyrrhoniens dans l’ordre de l’intelligence, la religion le porte dans l’ordre de la conscience.

Que pouvons-nous savoir certainement ? demandait Pyrrhon. — Rien, le doute est absolu et invincible.

Que pouvons-nous, par nous-mêmes, savoir et faire de bien ? demande l’Église. Et elle répond comme Pyrrhon : Rien, le discernement du bien et du mal est impossible ; l’immoralité est complète.

Et comme Pyrrhon concluait à la suspension absolue du jugement, de même l’Église conclut à l’impuissance radicale de la volonté.

Mais il y a entre Pyrrhon et l’Église cette différence, que Pyrrhon, n’ayant pas trouvé d’illuminateur surnaturel pour lever son doute, n’avait osé se faire chef ou pontife d’aucun dogme ; tandis que l’Église possède un Christ, qui lui a donné le secret des mœurs, et avec ce secret l’art de changer l’homme de péché en ange de lumière.

Pyrrhon enseignait donc que l’homme, pour être raisonnable, devait commencer par se démettre de la raison, ne jurer par personne et se tenir dans une méfiance universelle ; l’Église au contraire se vante de moraliser l’homme, immoral par nature, en le plongeant dans la cuve baptismale et entretenant ensuite la blancheur de son âme au moyen de la collation des sacrements, et de la transfusion des grâces dont elle a le ministère.

VI

Vous savez, Monseigneur, comment Descartes se tira des filets de Pyrrhon, au grand applaudissement des