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prétend avoir de Dieu par le sens intime, elle dirait, comme vous, que l’athée honnête homme est une franche dupe, tandis que le fils qui empoisonne son vieux père pour économiser la pension qu’il lui paye est un praticien qui raisonne juste.

Eh quoi ! vous ne reculez pas devant cette effroyable doctrine qui a versé sur le monde plus de crimes que le sacerdoce n’en a jamais absous ; qui vous a fait méconnaître, violer, sous prétexte de discipline, tous les préceptes de la Justice ; à laquelle vous sacrifiez sans remords les droits de l’homme, du citoyen, de l’ouvrier, de l’enfant, de la femme !…

Certes, quand le christianisme se présenta au monde avec son triple dogme d’un Dieu révélateur et rédempteur, d’une prévarication originelle et d’une grâce nécessaire, il ne se doutait guère qu’il élevât sur la Justice un doute cent fois plus désastreux, plus immoral, que celui de Pyrrhon. Il se croyait si sûr de sa foi ! Son espérance était si vive, et la raison humaine semblait si faible !…

Pardonnons au christianisme, et jugeons-le comme lui-même nous juge, sur l’intention. Le christianisme, damnant les héros et les sages, ceux qui pratiquent la Justice gratuitement et pour elle-même, tandis qu’il ouvre le ciel aux âmes basses à qui la peur de l’enfer arrache un hypocrite Peccavi, a cru servir la Justice : s’il eût manqué à son œuvre, qu’explique d’ailleurs la loi du développement humain, c’est alors qu’il eût été immoral.

V

Preuve par le sens intime.

La situation faite à la Justice par la pensée religieuse étant la même que celle faite à la certitude par Pyrrhon, c’est par l’argument qui a défait Pyrrhon que je commence ma réponse aux objections de la théologie.