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Du moment que l’homme, incapable dans les premiers temps de démêler en soi la Justice dont il éprouve le sentiment, est entraîné par la constitution de son entendement à lui chercher hors de sa conscience un sujet en qui elle réside, ainsi que je l’ai expliqué déjà (2e Étude, chap. 2), il est tout simple qu’il invoque ce juste Juge, aussi bien contre les ennemis qui le menacent que contre ses propres inclinations ; qu’il lui demande conseil, qu’il le prie de le fortifier, de le soutenir, de le purifier, de l’élever dans la vertu. C’est donc elle-même que l’âme invoque, prie et conjure ; c’est à sa propre conscience qu’elle fait appel ; et, de quelque façon que soit tournée la prière, elle ne sera que l’expression du moi qui s’adjure sous le nom de Dieu ; elle n’aura même de sens, elle ne sera intelligible que par cette prosopopée.

Un exemple, familier à tous mes lecteurs, et qui résume à lui seul toute la religion, tout le bréviaire, fera comprendre cette aliénation de l’âme humaine, qui, se prenant pour un Autre, s’appelle, s’adore comme l’Ève de Milton, sans se connaître.

XIV

Vous qui donnez la confirmation aux chrétiens, Monseigneur, vous savez votre Pater, sans doute ; mais, avez-vous jamais rien compris ?

Appel à la souveraine perfection, acte de soumission à l’ordre éternel, de dévouement à la Justice, de foi en son règne, de modération dans les désirs, de regret des fautes commises, de charité envers le prochain ; reconnaissance du libre arbitre, invocation à la vertu, anathème au vice, affirmation de la vérité : la morale de quarante siècles est résumée dans ces humbles et émouvantes paroles, que la tradition chrétienne attribue à son Homme-dieu.

Que de douleurs apaisées, de courages affermis, de