Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/319

Cette page a été validée par deux contributeurs.

était une franche calomnie, que le texte des Écritures, la tradition constante de l’Église et la teneur du dogme chrétien s’accordaient à démentir.

Des réclamations se sont élevées du côté de la philosophie contre cette assertion du saint Père. On l’a accusé lui-même de tergiversation et d’équivoque, pour ne rien dire de pis. L’incident n’a pas eu d’autre suite.

À mon tour je prends la parole, et je demande : Qui trompe-t-on ici, et qui en impose, de la philosophie ou de l’Église ?

Au risque de scandaliser les rationalistes et de passer pour faux frère, je dirai qu’à mon sentiment c’est le pape qui a raison. Mais il faut s’entendre.

Il est trop évident qu’aux regards de la science, qui, tout en raisonnant ses découvertes, se fait une loi de ne rien admettre en théorie qui ne soit démontré par l’expérience, l’accord de la foi avec la raison est une chimère ; pour parler plus exactement, un pareil problème n’existe pas. La condition de la science étant l’observation des faits, non pas de faits produits par exception, aperçus par aventure, signalés par des témoins privilégiés et ne pouvant pas à volonté se reproduire, mais de faits constants, placés sous la main de l’observateur et toujours vérifiables, on conçoit que la religion ne puisse en aucune sorte se soumettre à de telles exigences, et que la foi qu’elle réclame soit, sous ce rapport, avec la raison radicalement incompatible. Jamais entra-t-il dans l’esprit d’un théologien de constater par une observation directe la divinité de Jésus-Christ et son incarnation du Saint-Esprit ?…

Mais autre est la raison scientifique, dont la théologie n’entendit jamais se prévaloir, et autre la spéculation métaphysique, sur laquelle elle s’appuie, et qui fait tout l’avoir de la philosophie sa rivale.

Cette spéculation abusive aspire, nous l’avons vu, à