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mieux, et ne se laissant convaincre que par le témoignage d’autres absolus, sujets eux-mêmes à mentir, ou par la contradiction de ses propres actes, que rien ne le peut contraindre à reproduire, s’il ne veut pas les produire.

Qu’est-ce, en effet, que ce que nous appelons une personne ? Et qu’entend cette personne, lorsqu’elle dit : moi ? — Est-ce son bras, sa tête, son corps, ou bien sa passion, son intelligence, son talent, sa mémoire, sa vertu, sa conscience ? Est-ce aucune de ses facultés ? Est-ce même la série ou synthèse de ses facultés, physiques et animiques ? Rien de tout cela. C’est son essence intime, invisible, qui se distingue de ses attributs et manifestations ; en un mot un absolu, et un absolu qui non-seulement se pose, mais un absolu qui sent, qui voit, qui veut, qui agit, et qui parle…

Cela semble extraordinaire : au fond, rien de plus naturel. L’être qui pense l’absolu, qui le rêve, qui le cherche, qui le conclut à tout propos, qui s’en prévaut dans ses raisonnements et sans cesse s’y réfère dans ses classifications, qui le sous-entend dans chacune de ses pensées, comment cet être ne se poserait-il pas lui-même en absolu, et n’aspirerait-il à en exercer les prérogatives ?

Tout ce qui tient de l’homme est absolu, ou, ce qui revient au même, tend à l’absolu. La liberté est absolue, la propriété absolue, l’autorité absolue, la religion absolue ; le pouvoir veut être absolu, l’Église se dit absolue et infaillible, l’amour et l’amitié aspirent à l’absolu. Quoi de plus absolu encore que l’honneur, la gloire, l’ambition, la volupté ?… J’allais oublier l’une des plus grandes révélations de l’absolu, celle qui a pour objet de le représenter lui-même, l’art.

En vertu de cet absolutisme qui lui est inné, l’homme tend constamment, dans sa conduite, à s’affranchir de l’harmonie générale ; dans son langage, à intervertir les