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comprendre dans notre science, laquelle consiste exclusivement en descriptions de phénomènes, formules de lois et de rapports, c’est-à-dire en tout ce qui sert à déclarer l’absolu, mais n’est pas l’absolu ; et que notre erreur, notre folie, notre immoralité, commence juste à l’instant où nous prétendons franchir l’abîme qui nous en sépare.

Je ne reviendrai pas sur ce sujet, que M. Babinet a rendu si parfaitement intelligible, et que les plus simples, comme les plus subtils, saisissent à première vue. Je reprends la question au point où le savant académicien l’a laissée : Comment, forcés d’admettre l’hypothèse de l’absolu, nous délivrer de sa fascination ?

X

Dans les sciences physiques, où l’observation porte sur des phénomènes accessibles aux sens, renouvelables à volonté sans opposition de l’absolu, et auxquels il est toujours possible d’appeler des conclusions d’une fausse théorie, le caveat de Bacon est d’une facile observance, et il est rare que la métaphysique puisse être accusée des erreurs du savant. Les faits sont là, toujours prêts à rendre témoignage des rapports. Et pourtant que de théories se sont produites et se produisent tous les jours, pures anticipations de l’expérience que l’expérience dément ensuite, et qui n’avaient d’autre raison que l’entraînement de l’esprit à se saisir de l’absolu !….

Dans les sciences morales et politiques, c’est bien pis.

Ici, non-seulement l’observation ne porte pas sur des faits sensibles, car elle porte sur des sentiments et des idées ; mais encore l’absolu ne reste pas, comme dans les phénomènes de la physique, inerte, passif, muet : il est là, il répond à l’appel, il se nomme un moi, une personne, un citoyen ; c’est l’esprit lui-même enfin, affirmant, niant, stipulant, se défendant, protestant, mentant de son