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de la richesse une tentation, de la servitude un devoir, de la Justice une fiction, de l’égalité un blasphème, et de la liberté une révolte.

Aussi le peuple ne s’y trompe plus, et quoiqu’il lui soit impossible de suivre par le raisonnement la chaîne des idées et des faits, quoique la puissance ecclésiastique et féodale soit bien déchue de ce qu’on la vit jadis, son instinct lui dit que la seule chose qui l’empêche d’être heureux et riche par le travail c’est la théologie, et de cœur il n’est plus chrétien.

Mais le privilége ne s’y trompe pas davantage ; et, par une juste interversion de rôles, lui qui se gaudissait dans le libertinage quand le peuple plein de foi vaquait à la prière, maintenant que le voile est tombé devant tous les yeux, il a compris que l’Église était sa pierre angulaire ; il se fait jésuite, il enveloppe de paroles évangéliques, de fatras philosophiques, économiques, statistiques, ses projets d’exploitation perpétuelle. Il ne veut pas que le travail s’affranchisse, il ne le veut pas.

Écoutez ce discours, résumé de cinq cents volumes publiés depuis février, et de cent mille articles de journaux.

XLIX

« La Révolution, disent les conservateurs, a ébranlé jusqu’à la base l’ordre social. Et comme l’abîme appelle l’abîme, d’une première atteinte portée au principe d’autorité est sortie toute cette légion d’idées folles qui menacent aujourd’hui de nous engloutir. Ce n’est plus assez pour le peuple qu’on l’ait déclaré souverain ; voici qu’il prétend à l’égalité des biens, à l’égalité de l’enseignement, à l’égalité du génie !…. Il veut que du travail on lui fasse une jouissance, et de cette terre, qu’une sagesse éclairée d’en haut a appelée vallée de larmes, un Paradis !