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m’ouvraient la porte, préférant l’exercice du métier. Pourquoi ce rêve de ma jeunesse n’a-t-il pu durer toujours ? Ce n’est pas tout à fait par vocation littéraire, croyez-m’en, Monseigneur, que je suis devenu écrivain.

XLVII

C’était en 1832, à l’époque de la première invasion du choléra, entre les funérailles de Casimir Périer et celles du général Lamarque. J’avais quitté la capitale, où sur quatre-vingt-dix imprimeries pas une n’avait pu m’embaucher. La révolution de juillet avait arrêté la librairie ecclésiastique, qui fournissait à la typographie son principal aliment, et le pouvoir n’avait pas l’esprit d’y suppléer par une librairie philosophique et sociale. Pour subvenir à la détresse du commerce, les chambres avaient voté un crédit de trente millions ! Le système de la paix à tout prix ne sut pas comprendre que ce n’étaient pas trente millions qu’il fallait, mais trois milliards, et qu’en endettant le pays de cette somme, appliquée à un travail reproductif, il eût fait un excellent placement….

Jugeant que Paris était le séjour des grandes misères comme des grandes fortunes, je résolus de regagner la province. Après quelques semaines de travail à Lyon, puis à Marseille, le labeur manquant toujours, je me dirigeai, sur Toulon, où j’arrivai avec 3 fr. 50 c, ma dernière ressource. Je n’ai jamais été plus gai, plus confiant, qu’à cet instant critique. Je n’avais pas encore appris à calculer le doit et l’avoir de la vie ; j’étais jeune. À Toulon, point de travail : j’arrivais trop tard, j’avais manqué la mèche de vingt-quatre heures. Une idée me vint, véritable inspiration de l’époque : tandis qu’à Paris les ouvriers sans travail attaquaient le gouvernement, je résolus pour ma part d’adresser une sommation à l’autorité.

Je fus à l’hôtel de ville, et demandai à parler à M. le