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sied le mieux à la femme. La chasse, qui a tant d’attraits pour la jeunesse distinguée, est un exercice féroce, qui nous rapproche des carnassiers. »

Le peuple affirme le travail joyeux et demande le droit, sans pouvoir se rendre compte de ce qui produit la joie du travail, et qui en constitue la charte. Il l’a demandée, cette charte, à Louis-Philippe ; il l’a demandée à la république ; il l’attend de l’empereur : craignez qu’il ne finisse par se la donner lui-même. La transition pourrait être brusque, et, si vous ne voyiez des miracles, vous courriez risque de voir des catastrophes. Je puis vous répondre de ce qui couve sous ces blouses, moi qui ai vécu de leur vie, qui ai partagé leurs préjugés et leurs vices.

Écoutez cette anecdote.

Je n’ai pas été toujours aussi fort qu’aujourd’hui sur la balance économique, la question d’État, la double conscience et l’interprétation des emblèmes ; et puisque j’ai mené la vie ouvrière, c’est assez dire que j’ai eu ma période de spontanéité, avant d’atteindre ma période de réflexion. Je me souviens encore avec délices de ce grand jour où mon composteur devint pour moi le symbole et l’instrument de ma liberté. Non, vous n’avez pas l’idée de cette volupté immense où nage le cœur d’un homme de vingt ans qui se dit à lui-même : « J’ai un état ! Je puis aller partout ; je n’ai besoin de personne !…. » Combien le christianisme est dépassé par cet enthousiasme du travail, si étrangement méconnu par nos hommes d’Église et nos hommes d’État ! Honneur, amitié, amour, bien-être, indépendance, souveraineté, le travail promet tout à l’ouvrier, lui garantit tout ; l’organisation du privilége fait seule mentir la promesse. J’ai passé deux ans de cette existence incomparable dans différentes villes de France et de l’étranger. Plus d’une fois, par amour d’elle, j’ai repoussé la littérature, dont quelques amis