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piquet ou d’un arbuste, arrêtera un taureau ; avec une pierre emmanchée au bout d’un bâton, il l’assommera ; avec une flèche, ailée comme sa pensée, il atteindra l’oiseau sur l’arbre d’où celui-ci semble le défier ; avec un levier grand comme son corps, il déracinera un rocher, et le précipitera du haut en bas de la montagne.

Le premier qui en fit l’essai dut éprouver une joie indicible. C’est l’Apollon vainqueur du serpent : toute fatigue a disparu ; le corps du dieu touche à peine la terre, le dédain gonfle ses narines, le génie brille sur son visage. L’univers fuit devant son geste ; mais il le saisit du regard, il le tient au bout de sa flèche ; fût-il perdu, il le retrouverait dans la paume de sa main.

Le lendemain, le surlendemain, tous les jours, nouvelle invention, nouvelle victoire. Il marche d’enchantement en enchantement, et plus il multiplie ses œuvres, plus il étend son domaine et ajoute à sa félicité.

Les enfantements de l’industrie sont les fêtes de l’humanité. La plus longue vie, en consacrant une heure à la répétition de chaque découverte, n’en épuiserait pas la nomenclature.

Oh ! si la communion sociale, si la solidarité humaine, ne sont pas de vains mots, que peut être l’éducation du travailleur, que sera son labeur quotidien, sa vie tout entière, sinon de refaire incessamment en son particulier, en y ajoutant ce qui lui vient de son inspiration, ce qu’ont fait ses pères ? Ils ont semé dans l’enthousiasme, il recueille dans la félicité.

Je demande donc pourquoi, l’apprentissage devant être la démonstration théorique et pratique du progrès industriel, depuis les éléments les plus simples jusqu’aux constructions les plus compliquées ; et le travail de l’ouvrier, compagnon ou maître, n’ayant qu’à continuer, sur une plus vaste échelle, ce qu’aura commencé l’apprentissage ;