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mistes ; il façonne. — Qu’est-ce que façonner ? demandez-vous. Réponse : c’est mouvoir. — Je reprends : Le mouvement seul, imprimé à la matière, ne lui donne pas la forme voulue, ne constitue pas le travail : il faut que ce mouvement soit en rapport avec le but à atteindre, en équation avec son objet, c’est-à-dire en équilibre.

Voilà ce que nous montre à première vue l’alphabet du travailleur.

Que sont après cela tous nos instruments, depuis le char rustique jusqu’à la puissante locomotive, depuis le canot du sauvage jusqu’au navire à trois ponts, depuis la simple poulie jusqu’à l’horloge de Schwilgué, sinon des assemblages de leviers de toute sorte, à crochet, en pointe, en lame, roues, chaînes, ressorts, servant à produire le mouvement, la division, l’approche, la cohésion, etc., tantôt par une production, tantôt par une destruction d’équilibre ?

Et les produits de ce travail, que sont-ils à leur tour, sinon des constructions et agencements de matières taillées, forgées, tournées, filées, assemblées, empilées, arc-boutées, engrenées, croisées, tissées, enlacées, etc., toujours d’après la même loi ?

Le principe qui régit l’industrie est donc un et identique ; il n’a rien au premier abord de métaphysique ; il fait image : c’est le principe, sensible et intelligible, de la mécanique de l’univers.

Or, étant donnée cette idée universelle de l’équilibre dans le rêve de la pensée, et les opérations du travail n’en étant que l’application, nous voyons, par-là même, comment l’homme a passé de l’intuition synthétique et spontanée à l’idée réfléchie et abstraite ; comment il a décomposé l’objet de sa vision, inventé les signes de la parole et du calcul, créé les mathématiques pures, dégagé en les nommant les catégories de son entendement.