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tiquer le bien nous avons deux motifs, le respect de nous-même et celui de la divinité. Quel tort le second peut-il faire au premier ?

Ne quid nimis : je me méfie de ce dualisme.

Ne nous laissons pas étonner par cette apparition mystérieuse de l’idée divine ; et puisqu’en fait de morale il s’agit avant tout de nous-même, et subsidiairement d’un Autre soi-disant intéressé, raisonnons de cet Autre, que nous ne connaissons pas encore, avec la dignité et le sang-froid qui conviennent à un être moral et libre.

D’abord, de quoi Dieu se mêle-t-il ? Je n’ai jamais entendu dire qu’il m’ordonnât, à peine de lèse-majesté envers sa personne, de manger, de respirer, de dormir, de faire aucune des fonctions qui intéressent ma vie animale. Que je jouisse ou que je pâtisse, il ne s’en fâche pas ; il me laisse à ma propre direction, sous ma responsabilité exclusive. Pourquoi n’en use-t-il pas de même à l’égard de ma vie morale ? Est-ce que les lois de ma conscience sont moins certaines que celles de mon organisme, ou plus impunément inviolables ? Quand je fais mal, le péché ne me punit-il pas à l’instant, par la honte et le remords, comme la vertu, si je fais bien, me récompense par l’opinion de ma valeur ? Nonne si benè egeris recipies, sin autem malè statim in foribus peccatum ? dit Jéhovah lui-même à Caïn dans la Genèse. N’ai-je donc pas assez, pour observer ma loi intérieure, de cette double sanction de la joie et de la tristesse ; de même qu’il me suffit, pour soigner mon corps, de la double sanction de la maladie et de la santé ?…

De quelque côté que l’on aborde la question, soit du côté de Dieu, soit du côté de la conscience, le motif de religion, pour une âme qui réfléchit et qui se respecte, a droit de surprendre. Mais voici qui est plus fâcheux encore.

Je veux que Dieu s’intéresse, autant qu’on le dit, à ma