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subvention de l’État, constituée sur les épaules du travailleur comme l’Etna sur le dos de Typhoé. Ici la révélation n’a plus rien à dire ; les formules mystiques sont elles-mêmes mises en question. Rien que la science n’est capable de faire franchir à l’Humanité cette passe décisive. Si une dernière et plus éclatante manifestation de la Justice ne vient éclairer la raison des peuples, le travail succombe, de nouvelles chaînes lui sont forgées pour des siècles, et nul ne peut dire ni quand ni si jamais la liberté paraîtra.

En présence de ce mouvement nouveau, quelle est l’attitude de l’Église ?

De toutes parts, en 1846, 1847, 1848, les peuples ont tendu leurs bras vers elle : Soyez avec nous, nous sommes la génération du Christ. Bénissez nos piques, bénissez nos arbres de liberté. — Soyez avec nous, ont répété les purs démocrates, mandataires officieux de la Révolution. Ne maudissez ni 89 ni 93. Voici renaître la Constituante et la Législative ; avec elles la Convention, le club des Jacobins, la sainte Montagne. Nos pères ont envoyé les athées à l’échafaud : faites alliance avec la Révolution. — Soyez avec nous, ont crié les fils de Voltaire : que la raison et la foi aient chacune leur domaine. La guerre du libre examen est terminée ; la philosophie, devenue conciliante, ne demande qu’à vous élever sur un trône de lumière. — Soyez avec nous, a crié le chœur des socialistes, saint-simoniens, phalanstériens, communautaires. Et nous aussi, nous relevons de la charité. Laisserez-vous sécher cette fleur qui fait votre gloire, comme elle fit la force du Christ et des prophètes ?

Triste méprise, et qui prouve combien l’Europe, en 1848, était au-dessous de sa propre pensée. Le travail n’a plus rien à faire avec l’amour : c’est la Justice, c’est