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loi de Justice, à peine d’inconséquence et de rétrogradation.

XXVIII

Considérez en effet que la religion, que nous venons de suivre par deux fois à l’œuvre, et dont nous avons vu l’enfantement, n’a nullement fourni la preuve de l’hypothèse sur laquelle elle repose. La religion, par sa nature, ne discute point ; elle n’analyse, ne raisonne, ni ne compare ; elle ne vérifie, ne constate, ne démontre quoi que ce soit. Elle ne s’établit juge et interprète d’aucune question. Elle ne fait que redire des problèmes, elle est elle-même un problème. La religion s’empare du préjugé tel qu’il se présente, de la routine telle qu’elle existe ; puis elle en fait des allégories, elle les figure par des rites, dont elle amuse les croyants, comme si elle voulait seulement graisser, huiler et beurrer des ressorts qui grincent, mais qu’elle ne connaît pas.

Voici l’esclavage, établi, par l’effet de la barbarie primitive, dans l’habitude des nations et jusque dans la conscience des esclaves : la religion ne discutera pas l’esclavage ; elle l’accepte comme divin, ou, ce qui revient au même, comme d’institution naturelle, fatale. Son spiritualisme n’ira pas plus loin ; il lui commande, au contraire, de s’arrêter là. Seulement elle dira au maître de l’esclave, comme chez nous le législateur au maître du cheval : Tu ne le maltraiteras point, tu ne le tueras pas sans motif, et tu le laisseras reposer un jour par semaine. Si sa fille plaît à tes yeux, tu pourras en user, mais à condition de la nourrir, etc.

Avec le laps de temps et les révolutions des empires, l’esclavage a-t-il faibli dans l’opinion et dans les mœurs ; sa pratique est-elle devenue incommode, onéreuse, impossible, la religion abdique son vieux dogme, se pré-