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l’homme, et que le Droit seul peut avoir raison de l’égoïsme.

« Il n’y a que deux lois au monde, dit à ce propos M. Blanc-Saint-Bonnet : la loi de nature, dans laquelle les espèces supérieures mangent les inférieures ; et la loi divine, dans laquelle les êtres supérieurs secourent les plus faibles. En dehors du christianisme, l’homme est toujours anthropophage. Si la loi de charité est tarie dans vos cœurs, la loi de l’animalité vous reprendra. »


Mais, objectez-vous, il ne s’agit ici ni de charité ni d’assistance ; il s’agit de balance. On demande que le salaire soit réglé proportionnellement au produit, que le travailleur ait part à la rente et au bénéfice…

Le mystique ne vous entend pas : la charité lui corne aux oreilles ; il répond :

« Régler les salaires sur les besoins serait une chose si belle que ce serait toucher le but. Malheureusement les besoins de l’homme dépassent deux ou trois fois son salaire. » (De la Restauration française, p. 90 et 112.)

Conclusion : Puisque le besoin ne saurait être jamais satisfait, que le paupérisme est la loi de la nature, il ne reste qu’une chose à faire, c’est de contenir la concupiscence par la discipline et la charité !

En matière de réforme, ce n’est pas d’ordinaire la notion du but qui fait défaut, pas plus que la bonne intention, c’est le moyen. La Convention put bien un jour décréter l’émancipation des noirs ; comme elle ne sut en faire des travailleurs, elle n’en fit pas non plus des hommes libres. Tout de même l’Évangile put bien aussi annoncer la rédemption du genre humain, la liberté des esclaves, l’égalité de tous les hommes devant Dieu ; comme il ne sut convertir en proposition de droit ce qui, dans sa pensée, ne devait être que le triomphe de la charité, comme il répugnait même à la pensée évangélique