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crainte, non-seulement aux bons et aux modérés, mais même aux méchants. » Et pour motif il leur présente l’exemple du Christ, pauvre, persécuté toute sa vie, et à la fin crucifié, quoique innocent. Paul, avec l’hyperbole qui lui est familière, va plus loin encore ; il dit : « Que chacun demeure dans la condition où il a été appelé (à la foi). As-tu été appelé esclave, ne t’en soucie ; quand même tu pourrais recouvrer la liberté, garde plutôt ta servitude. » Et la raison de cet étrange conseil ? C’est, remarquons ceci : « que le chrétien n’est plus esclave de l’homme ; il n’est le serviteur que de Dieu ! » D’ailleurs, il n’y en a pas pour longtemps : « La crise est imminente », dit Paul ; « La fin de toutes choses approche », répond Pierre. (Paul, I Cor., VII, 21-26 ; Ephes., VI, 58 ; Tit., II, 9 ; I Petr., II, 18 ; IV, 7.)

Le monument le plus curieux à cet égard est l’épître de Paul à Philémon. Elle n’a aucun sens, ou elle montre, avec la dernière évidence, que l’abolition de l’esclavage est si bien le fond du christianisme, que l’Apôtre est forcé d’en faire pour ainsi dire ses excuses !

« Je t’implore, dit-il à son ami Philémon, après de grands éloges de sa charité, de sa foi, de ses bonnes œuvres, de sa sainteté ; je t’implore pour mon cher fils Onésime, que j’ai engendré dans les fers… Pense que, s’il t’a quitté pour un moment, c’est afin de te rejoindre dans l’éternité, non plus comme esclave, mais comme frère… J’eusse bien voulu faire de lui un ministre de l’Évangile ; j’ai mieux aimé te le renvoyer, car je ne veux rien sans ton consentement. Pardonne-lui donc, si tu m’aimes ; et s’il t’a fait quelque tort, impute-le-moi. »


Ainsi tous les liens sont rompus. Dans les passages même où les apôtres recommandent la soumission, affirment de bouche le devoir de la servitude, ils avertissent les esclaves qu’ils ne relèvent que de Dieu, et ils ajour-