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n’amenait que le désastre, qui pouvait songer à une insurrection des esclaves ?

Les apôtres n’eurent garde, par des proclamations intempestives, d’attirer sur eux la colère des empereurs : ils recommandèrent la patience, dissimulèrent leurs espérances, déguisèrent leurs principes, affectèrent une soumission rigoureuse à l’ordre établi, et, ne pouvant attaquer la réforme de front, dans les intérêts, s’enveloppèrent des voiles de la religion. La religion, dans les mœurs de l’époque, c’était le plus pour obtenir le moins. Quelle apparence, en effet, d’aller soutenir contre les Césars, et leurs prétoriens, et leur plèbe, que tout homme vivant dans l’empire devait être reconnu citoyen de l’empire, ce qui emportait l’affranchissement immédiat de tous les esclaves, et que tout citoyen de l’empire en était, pro suâ virili, le souverain, ce qui impliquait le rétablissement de la république ? Au lieu de cela, les chrétiens se disaient tous fils de Dieu, frères du Christ, égaux par la grâce ; et pour célébrer cette égalité ils se réunissaient dans des banquets fraternels, une saturnale de chaque semaine et de toute l’année. N’était-ce pas, en fait comme en droit, abolir l’esclavage ?

« Mon royaume n’est pas de ce monde », font-ils dire à leur Christ, protestant hautement ainsi que le messianisme, représenté par eux, a cessé d’être le compétiteur de César. Accusé par les Juifs, Paul s’écrie : J’en appelle à César ; ce qui voulait dire : Je reconnais l’empereur, et je proteste contre l’insurrection. Aussi César, — c’était Néron, ne vous déplaise, — ne traita d’abord point mal l’Apôtre ; il l’autorisa à prêcher à Rome et partout contre le messianisme juif, le seul que redoutassent les Romains.

Dans leur prédication, les apôtres ne cessent de recommander aux esclaves la résignation et l’obéissance. « Esclaves, dit Pierre, soyez soumis à vos maîtres en toute