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vocation d’une divinité spéciale, le peuple, aam, prend le nom de aadah (Vulgate, congregatio) : c’est la synagogue des Septante, devenue l’ecclesia, église, des chrétiens. Toute société nouvelle, chez les anciens, supposant un dieu nouveau, on peut dire que le dieu et sa Compagnie, aadah, naissaient en même temps l’un que l’autre : c’est ce qu’exprime ce verset, dont le clergé fait une application si étrange à ses petites congrégations : Memor esto, Domine, congregationis tuæ, quam possedisti ab initio ; Souviens-toi, Jéhovah, de ta Compagnie, que tu possèdes dès le commencement. — N’est-ce pas ce que nous avons dit en rapportant la parole de saint Augustin, que Dieu est l’intelligence, et la société qui l’adore le corps qui lui sert d’organe ? Or, comme Jéhovah était l’âme du corps hébraïque, de même celui-ci était une âme pour le troupeau de serfs qui le suivait : c’est ce que nous allons voir à l’instant même.

Lorsque les Beni-Israël, poussés par Moïse, quittèrent l’Égypte, marchant en ordre de bataille, c’est-à-dire par tribus, parentés et familles, ils entraînèrent avec eux une multitude immense et mêlée, ééreb rab (Vulgate, vulgus promiscuum et innumerabile) ; plèbe ignoble, vile multitude, composée de tout ce qui était de sang étranger, ou qui, quoique de race israélite, ne possédant ni richesse ni dignité, était retombé dans la condition servile.

Naturellement, ce n’était pas avec cette plèbe infime que Jéhovah, Don Jéhovah, comme dit la Bible, formait alliance : de tout temps l’Église fut grande dame, et son dieu, son époux, haut et puissant seigneur. Toutefois, pour engager cette multitude, dont le service était indispensable à la subsistance des tribus, il fallait bien lui promettre quelques avantages, créer pour elle des garanties et des droits, attendu que, selon les mœurs de l’époque,