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En ce qui concerne les arts, la répugnance de l’Église est plus forte encore. Héritière de la tradition pharisaïque, elle a toujours vu dans la peinture et la statuaire des auxiliaires de l’idolâtrie ; et si Rome, dès le xve siècle, grâce à l’émigration des Grecs, s’est relâchée, la réforme est venue bientôt la rappeler à la sévérité de la discipline. Au surplus, la critique moderne nie positivement l’art chrétien. L’architecture dite gothique date de la fin des croisades ; elle fut solennellement abolie par Brunelleschi et Bramante, qui en démontrèrent géométriquement l’ineptie, et ne parut jamais à Rome. La peinture commence à Giotto, élève des anciens. Le christianisme ne peut devenir esthétique qu’en s’apostasiant : aussi condamne-t-il absolument la tragédie, la comédie, l’opéra, la danse, les gymnases ; il proscrit jusqu’au roman ; il voudrait anéantir la littérature grecque et latine. Et la raison de cet ostracisme est évidente : les arts tendent à l’exaltation de la personne humaine, par le déploiement de la force, du talent et de la beauté, ce qui est en opposition diamétrale avec la méthode de mortification et d’oraison que le salut requiert.

Qu’a fait l’Église en philosophie ? Rien : la question implique contradiction. La philosophie, partout où elle se montre, est le mouvement extra-religieux de l’esprit, la marche vers la science, objet étranger à la foi. L’Église est théologienne, c’est sa spécialité ; elle se sert de la philosophie, elle n’est pas philosophe. La scolastique, si fameuse autrefois et si oubliée, est sortie tout armée des livres d’Aristote, qui faillit être mis au rang des Pères.

L’Église connaît-elle de la Justice ? a-t-elle une jurisprudence ? — Oui, direz-vous, il existe un droit canon. En effet, nous avons montré dans nos précédentes études comment l’Église, en vertu de son dogme, a modifié les idées des anciens sur la Justice, dans ses rapports avec