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rifiant le far niente, a inspiré le mythe biblique du travail, et présidé à l’institution des esclaves.

XII

Toute religion, en vertu du spiritualisme qui la constitue, qu’elle s’appelle christianisme, bouddhisme, druidisme, ou tout ce qu’on voudra, est anti-pratique ; elle pousse l’homme à la contemplation, à l’inaction, au quiétisme.

Au commencement, dit la Genèse, alors que l’homme n’avait pas encore corrompu sa nature par le péché, Dieu le plaça dans le jardin de plaisir pour qu’il lui donnât la façon et qu’il en prît soin, ut operaretur et custodiret illum. Mgr de Paris, Sibour, voulant flatter la tendance industrielle de l’époque, dit un jour, en commentant ce texte, que Dieu avait fait l’homme contre-maître de la création. Le mot est joli, et a valu bien des compliments au bon archevêque. On trouve dans la Bible tout ce qu’on veut. Mais gardez-vous d’approfondir, sinon la parole de grâce va se changer en parole de réprobation, la colombe devenir serpent.

Ceci se passait, ne l’oublions pas, avant la chute. À cette époque de félicité, l’homme en parfaite union avec le Créateur, et sans doute aussi avec lui-même, le travail n’avait pour lui rien de répugnant et de pénible. Les contrariétés signalées par M. Jean Reynaud n’existaient pas. La nature, qui pour produire l’homme vous semble avoir échelonné tous les êtres, avait supprimé les espèces nuisibles et inutiles ; ce n’est que postérieurement qu’elle a complété sa série.

Cet état de bonheur dura peu. L’homme s’étant infecté lui-même par un acte que la Genèse ne nous révèle que sous le voile de l’allégorie, mais dont M. Reynaud nous a décrit avec un redoublement d’éloquence la gravité, le