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pain fermenté : manifestations de son intelligence, témoignages de sa nature éthérée et immortelle ; s’abaissera-t-il à recommencer toute sa vie, non pas les mêmes inventions, ce qui s’invente ne s’invente qu’une fois, mais les mêmes manœuvres ? Au jugement de M. Jean Reynaud, ce serait une galère, une intolérable servitude :

« Nul métier, dit-il, ne saurait être agréable… mais il est bon que dans nos sociétés il y ait toujours quelque travail corporel à accomplir, les âmes supérieures étant les seules qui puissent sans péril s’abstenir d’y prendre part, parce qu’elles ont assez d’attachement à la pensée pour se garder elles-mêmes de l’engourdissement et des aberrations où mène le loisir… L’ordre aurait également à souffrir, soit que le travail diminuât sans que les âmes s’élevassent, soit que les âmes s’élevassent sans que le travail diminuât… »


Qui pense mal du travail est mal disposé pour le travailleur. M. Jean Reynaud, quelque ami qu’il se dise de la Révolution, est de l’école hiérarchique et féodale ; il ne croit pas à l’égalité ; il est avec l’Église, à laquelle il est venu, après la chute de la République, offrir le secours de sa philosophie druidique, magique et pythagoricienne. Ici que nous dit-il ? « Il faut que le vulgaire travaille, et que les prédestinés gouvernent. »

Le voilà donc connu ce secret plein d’horreur !

Et vous vous dites révolutionnaire, républicain, démocrate, socialiste encore ! Vous niez le péché originel !… Non, non : vous avez trop le génie des choses divines, pour concevoir rien aux affaires humaines ; trop le sentiment de la Divinité, pour conserver le sens moral. Vous êtes trop convaincu de la diablerie de ce monde pour croire à sa Justice. Le travail, en effet, pour vous, c’est le diable. Vous croyez au diable : votre métaphysique, vieille comme les pierres, vous y mène. Regardez-y donc de plus près : c’est elle qui fait l’inertie du sauvage, elle qui, glo-