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nation du travail. J’ose dire que cette philosophie n’a jamais servi à autre chose.

XI

L’un des plus grands spiritualistes et religionnaires de l’époque, M. Jean Reynaud, dont j’ai cité le consciencieux témoignage en faveur du dogme de la chute, a cru devoir nous donner aussi, avec la meilleure intention du monde, la théodicée de la servitude. Si cette pieuse institution venait à disparaître parmi les hommes, on la retrouverait dans le dernier ouvrage du savant druide, Terre et Ciel.

Suivant M. Reynaud,

« Le travail est la conséquence du défaut d’harmonie qui existe par ordonnance divine entre l’organisation de l’homme et l’organisation de la terre ; et pour que ce défaut cessât, il faudrait que l’une ou l’autre de ces deux organisations vînt à changer… — Par les progrès de l’association et de l’industrie, ajoute le savant théologue, le travail pourra devenir moins continuel, moins déplaisant ; mais il y aura toujours à s’y résigner : c’est une peine sans fin. » (Page 94.)


Cette déclaration est grave.

D’autres s’étaient plu à recueillir sur la face de la planète les preuves d’une Providence pour nous pleine d’attentions ; M. Reynaud y découvre partout les traces d’un désarroi général, accompli avec préméditation, dans le but de chagriner notre pauvre humanité, de la vexer, de la punir. Quelles actions de grâces, ô saint homme, ne vous devra pas l’Église, pour une découverte de cette importance ! Nous savions, par les Écritures, que le diable avait passé sur cette terre ; à vous il était réservé de nous montrer partout l’empreinte de son pied fourchu.

M. Jean Reynaud, incapable, à ce qu’il semble, de comprendre la loi fondamentale de l’univers, et porté par le tour de son génie à voir partout du mystère, prend les antinomies de la nature pour autant de sataneries, con-