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promoteurs et bénéficiaires de la féodalité nouvelle ? Sont-ce les phalanstériens eux-mêmes, qui, malgré leur théorie du travail attrayant, n’en font pas moins une haute paye aux individus chargés des travaux pénibles, et qui d’ailleurs n’ont cessé de protester de toute leur force contre l’égalité ? Sont-ce les déistes, les éclectiques, les panthéistes, les positivistes, les owénistes, les icariens, les mystiques de toute sorte, qui tous, niant à priori l’égalité de nature, et conséquemment l’égalité de condition et de fortune, reconnaissant d’ailleurs la répugnance du travail et son infériorité, affirment, bon gré mal gré, la nécessité des classifications échelonnées, ou n’y échappent que par le communisme ?

» Que la Révolution avoue sa chimère et s’humilie. Après avoir détruit la monarchie de droit divin, elle n’a su la remplacer que par un organisme instable, d’une puissance d’absorption cent fois pire que celle du faisceau féodal ; après avoir aboli la distinction des classes, elle la recrée sous une forme et avec des mœurs cent fois plus atroces ; après avoir tué le respect, l’obéissance, la charité, elle y supplée par la lutte parlementaire, l’insurrection, la proscription, et le fatalisme.

» La charité, disent les adeptes, n’est pas donnée dans l’économie. En conséquence, point de taxe des pauvres, pas plus que de droit au travail ; point d’hôpitaux, point de refuges, point d’asiles, point de crèches, point d’enfants trouvés !…. Que le prolétaire avec sa progéniture meure dans son trou sans proférer une plainte : ainsi le veut la loi économique, expression de la force des choses. — Ne voilà-t-il pas une belle philosophie, une touchante morale, une science profonde ? Et c’est le dernier mot de la Révolution ! »

Tel est le discours des conservateurs.