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VI

Suivant les économistes de l’école de Say, les premiers qui aient pris la parole après 89, la Révolution, en abolissant le système corporatif et féodal, a fait une chose juste, dont la société n’a pas tardé à recueillir les fruits inestimables. Mais, ajoutent-ils, par cette abolition la Révolution a complété son œuvre ; il n’y a rien de plus à faire, pas d’autre organisation à chercher. En ce qui touche notamment le travail, sa condition est ce qu’elle doit être, lorsque, affranchi de tout privilége légal et de toute entrave, il ne reconnaît d’autre loi que celle de l’offre et de la demande.

« Ainsi, disent ces économistes, reste-t-il çà et là, sur la face du pays, quelque commerce constitué en monopole, quelque industrie de privilége, quelque spécialité de production interdite ou réservée à une catégorie de citoyens ? Sur tous ces points la Révolution est à faire ; et tant qu’elle ne sera pas faite, la loi de la production étant en partie violée, le travail incomplétement affranchi, la science économique ne peut donner que la moitié de ses bienfaits. Ne cherchez pas au mal dont se plaint le travailleur d’autre remède. Surtout gardez-vous, sous aucun prétexte, d’intervenir arbitrairement dans le jeu des forces économiques et de contrarier leurs lois par les vôtres : Laissez faire, laissez passer. »

Cette théorie, qui tend à résoudre tout le système économique dans le principe d’une liberté purement négative, comme l’a fait M. Dunoyer dans son livre de la Liberté du Travail ; qui par conséquent fait de la pratique mercantile et industrielle une chose de pur arbitraire, se résout lui-même, par la contradiction qui lui est inhérente, et malgré ses manifestations en faveur de la liberté, en un pur fatalisme.