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Expliquons cela. Comme principe d’utilité et force de production, le travail est la source première de la richesse. Toutes autres conditions égales, on peut dire que plus la société travaille, plus elle s’enrichit ; et réciproquement que plus le travail diminue, plus la production décroît et la richesse avec elle.

Or le travail ne s’accomplit pas sans fatigue : comme une machine à vapeur a besoin qu’on l’alimente, qu’on l’entretienne et qu’on la répare, jusqu’au moment où, par l’usure naturelle, elle ne comporte plus ni service ni réparation, et doit être jetée à la ferraille ; ainsi la force de l’homme, chaque jour dépensée, exige une réparation quotidienne, jusqu’au jour où le travailleur, hors de service, entre à l’hôpital ou dans la fosse.

En langage économique : Point de travail sans salaire, point de production sans frais.

Pour l’entrepreneur d’industrie, employant dans son exploitation des machines et des hommes, le problème est donc celui-ci : Obtenir avec le moins de frais et de salaire possible la plus grande somme de travail, et partant de richesse, possible.

Ce problème, tout entrepreneur tend à le résoudre au bénéfice de la production, c’est-à-dire de sa propre fortune, sans se préoccuper de ce que devient le travailleur qu’il salarie, et qui n’est pour lui qu’une machine, dont il achète le service à forfait. C’est ainsi que le même entrepreneur, appliquant la division du travail, la pousse aussi loin que le lui commande son intérêt, sans s’inquiéter des conséquences fâcheuses qu’elle peut avoir pour l’ouvrier, seul chargé, avec son salaire, du soin de sa personne. De savoir ensuite ce qui peut résulter pour cet ouvrier, pour sa santé, son intelligence, son bien-être, ses mœurs, d’un travail excessif, insalubre, répugnant, parcellaire, mal rétribué ; c’est une autre affaire, dont la