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racontant la mort des patriarches, conclut par ces mots : Il fut réuni à ses pères, elle exprime la haute pensée du testament. Quand Jésus sur la croix s’écrie : Mon Père, je remets mon âme entre tes mains, par cet acte de communion avec l’Humanité, désignée sous l’allégorie mystique du Père, il fait son testament. Le testament ! c’est le nom donné à la doctrine du Christ, comme à celle de Moïse.

Tous nous avons un testament à faire ; mais le chrétien parfait ne teste pas, à moins qu’il ne s’agisse de déshériter les siens et de laisser son bien à l’Église. Le chrétien au lit de mort n’a rien à dire à ses frères, si ce n’est cet adieu lugubre : Priez pour moi ! Ce n’est pas son âme qui nous reste, ce sont les nôtres qu’il invite à la suivre : quel renversement !

La mort, si l’on me permet cette figure empruntée à l’économie et qui n’a rien ici de déplacé, est la balance par laquelle se liquide notre carrière. Si cette carrière est pleine, il y a bénéfice ; c’est l’euthanasie, la mort dans le ravissement. Si au contraire le parcours s’est fait par le chemin du vice et de l’infortune, il y a déficit : c’est la mort dans le désespoir, la banqueroute à l’existence.

Aujourd’hui que la Révolution n’a guère fait encore que se montrer au monde, la mort heureuse est aussi rare que la liberté et la justice : nous finissons la plupart comme des malfaiteurs. Point de communion sociale, point de paix pour nos derniers instants. La famille nous soutiendrait encore : elle se dissout à son tour ; ceux qui en parlent le plus sont ceux qui la déshonorent davantage, et elle ne paraît à la dernière heure que pour l’assaisonner de regrets. Le travail, entouré de tout ce qui le rend répugnant et pénible, sans réciprocité pour le mercenaire, sans dignité pour le capitaliste et l’entrepreneur, qui n’y voient qu’un moyen de fortune, le travail réjoui-