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nés de la tyrannie impériale. La guillotine les aurait ravis d’aise.

Le christianisme, au contraire, a fait de la mort subite un symptôme de damnation, le plus grand des malheurs. Avant d’expirer, ne faut-il pas que le chrétien se reconnaisse ? Il y a une oraison de sainte Brigitte tout exprès, pour conjurer ce danger. J’ai connu, dans ma première jeunesse, un jeune homme qui, à la suite d’un violent exercice, saisi tout à coup d’un vomissement de sang, criait dans sa détresse : Vite un médecin et un prêtre ! Pas un mot, ni pour ses amis, ni pour sa famille ; il oubliait jusqu’à sa mère. La peur de la mort, exaltée par celle de l’enfer, étouffait en lui tous les sentiments humains. Jamais je n’oublierai ce cri de suprême égoïsme : Vite un médecin et un prêtre !…

La peur de la mort est un moyen pour l’Église de gouvernement et de captation. Elle dit à la jeune fille : Songe à la mort ! étouffe cette pensée d’amour, pensée de damnation ; épouse de Jésus-Christ, le plus beau des enfants des hommes, porte-lui ta virginité et ta dot ; et tu seras sauvée ! et tu seras sainte ! et tu seras canonisée ! La pauvrette écoute : Si j’allais me damner ! pense-t-elle. Elle sent le vide de son existence sans amour ; et ce vide, dont elle triompherait si aisément par le mariage, fait qu’elle s’enterre dans le célibat. Toute vive elle embrasse la mort, comme la fauvette fascinée par le serpent, et qui se précipite en criant dans son gosier.

XLVII

Passez en revue les morts illustres parmi les chrétiens : c’est là qu’il faut voir l’effet de cette exitiabilis susperstitio, comme l’appelle Tacite. Je m’en tiens aux exemples classiques.

Pascal, comme saint Jérôme, poursuivi par une hallu-