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point par des conjurations et des actes de foi. Ni le taurobole, ni le baptême, les infusions de sang pas plus que les immersions dans l’eau, n’y pouvaient rien.

Avec le christianisme, le monde parut comme une fantasmagorie.

« Et je vis, dit l’Apocalypse, un cheval pâle, et celui qui le montait avait nom la Mort, et l’Enfer le suivait. »

Une société qui ne vivait plus que dans l’espoir de la résurrection était morte en effet ; ses cités, ses palais, ses théâtres, étaient des cimetières, ses temples des catacombes. Morte de son épouvante, ou morte de sa nouvelle religion, lequel pensez-vous qui soit plus à la gloire du nom chrétien ?

Tant que dura la persécution, la lutte soutenant les courages, l’Église vécut de la vie de l’ancienne société : l’ère des martyrs, qui commence et finit en même temps que celle des gladiateurs, est la plus vivante de l’histoire ecclésiastique.

Mais quand César se fut converti, quand on vit les empereurs, atteints sous la pourpre de la maladie universelle, se munir, à leurs derniers moments, des sacrements des morts, toute vertu s’évanouit. D’un côté, la résurrection ajournée à la fin des siècles, les âmes, en attendant l’heure de la réunion aux corps, gardées dans les limbes ; d’autre part, la terreur des jugements de Dieu, tout cela, loin d’atténuer le mal, ne fit que l’empirer. Peu s’en fallut que le monde chrétien, à peine installé, ne s’enfuît, tant la vie lui était triste, tant la mort lui donnait de tremblement. Les uns, comme Antoine, partent à dix-huit ans pour le désert, se dépouillent de leur vie, apaisent Dieu par une mort de cinquante et de quatre-vingts années. D’autres, comme Jérôme, sans quitter tout à fait le monde, s’exténuent