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vingts, s’étant échappés, attaquèrent les spectateurs, se répandirent dans la ville, et furent enfin terrassés par les légionnaires, après avoir vendu chèrement leur vie. Ce fut un scandale énorme.

Les historiens qui ont touché cette question, tels que Châteaubriand, ne manquent pas en général de l’exploiter au profit du christianisme : comme si les combats de gladiateurs, dont la corruption romaine s’assouvit pendant plus de cinq siècles, étaient de l’essence du paganisme, comme s’il ne fallait pas chercher ailleurs la raison de ce sanglant phénomène !

D’après Cicéron, Sénèque, Pline, Juvénal, et les auteurs contemporains, on voit que l’opinion les regardait comme une école de courage, où les citoyens apprenaient à mépriser le sang et la mort. Sous un empereur, je crois que ce fut Septime-Sévère, comme on songeait à réformer les mœurs, les jurisconsultes qui formaient le conseil impérial soutinrent avec force les combats du cirque, nécessaires, disaient-ils, pour entretenir le courage militaire et former l’âme du soldat.

Mais il est évident que cette allégation ne contient que la moitié de la vérité : comment le soldat de l’empire avait-il besoin de cet excitant, dont s’étaient passés les guerriers de la république ? La vraie cause, je le répète, est dans la désorganisation universelle, qui, laissant l’homme sans liberté, sans droit, sans communion, sans patrie, n’offrant à sa solitude pour toute compensation que César, le poussait au mépris de la vie en même temps qu’elle le livrait sans défense aux affres de la mort.

L’influence, telle quelle, des combats de gladiateurs sur les courages, se manifeste chez les martyrs trop vantés du christianisme. C’est le même sang-froid devant la mort, la même bravoure ou crânerie, la même impassibilité. Ils meurent, ces combattants du Christ, comme