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savait qu’il était le refuge de la dignité contre toute injure de la tyrannie ou de la fortune : mérite vulgaire, bagatelle, dont on ne parlait plus. La république morte, le suicide se trouva usé.

Qu’est-ce donc que découvrit la ferocitas romana ? — Les combats de gladiateurs.

XLIV

Certaines gens blâment les combats de taureaux, comme entretenant la cruauté ; la sévère Albion a renoncé à sa boxe. Que dirions-nous si le gouvernement, au lieu d’envoyer à l’échafaud les condamnés à mort, s’avisait, pour le divertissement du peuple, de les faire battre en plein hippodrome jusqu’à ce que mort s’ensuivît ?…

Mais ce n’étaient pas deux hommes, deux criminels, dont Rome se donnait le régal ; c’étaient des centaines, des milliers de prisonniers, de vraies boucheries, où le sang coulait à flots comme aux champs de Pharsale et de Philippe. Sous la république, il était défendu de donner à la fois plus de cent gladiateurs. Auguste, voulant plaire au peuple, éleva ce nombre à soixante couples par représentation. La rage de ces spectacles croissant toujours, le chiffre de cent vingt hommes fut bientôt dépassé, sur l’exigence du peuple et par la complaisance du sénat ; sans compter que ces massacres avaient lieu partout : les moindres cités avaient leur cirque, avec leurs casernes de gladiateurs. Le roi de Judée Agrippa fit battre un jour quatorze cents condamnés. Gordien, étant édile, donnait régulièrement de cent cinquante à cinq cents paires. Trajan, dans un seul jour, fit paraître dix mille gladiateurs ; et dans la grande naumachie qui eut lieu, sous l’empire de Claude, sur le lac Fucin, il y eut jusqu’à dix-neuf mille combattants. Au triomphe de Probe, six cents hommes étaient destinés au cirque : de ce nombre, quatre-