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C’est ainsi que les stoïciens essayent de relever les mœurs, et de guérir les courages.

Il faut voir avec quelle timidité ils sont accueillis ! Les honnêtes gens, les hommes d’une vertu déterminée, voudraient qu’ils eussent raison ; ils n’osent s’y livrer. Cicéron les admire, les favorise ; mais Carnéade lui ôte la foi !

Caton lit et relit, avant de mourir, son Phédon, non pas tant pour s’encourager, comme on l’a dit : celui-là, qui avait conservé les mœurs anciennes n’avait certes pas plus peur de la mort qu’un Cassius, un Pétronius, et tant d’autres épicuriens qui moururent avec honneur ; Caton cherchait à se consoler de la république, il cherchait si la perte de la liberté n’avait pas quelque raison dans l’ordre éternel.

Thraséa fait comme Caton. Avant de recevoir sa condamnation, il cause avec Démétrius de la séparation de l’âme et du corps. Puis, quand le questeur arrive, porteur de l’ordre fatal, le Romain dit adieu au philosophe, ordonne à sa femme de se conserver pour sa fille, heureux que son gendre ne partage pas son supplice ; et tout entier à cette communion sacrée de la famille et de la patrie, dont il est le dernier représentant, il se fait ouvrir la veine, et offre son sang, comme une libation, — à l’immortalité de l’âme ? non, à Jupiter libérateur.

Tacite, à la fin de la vie d’Agricola, son beau-père, s’écrie, dans un mouvement de tendresse poétique :

« S’il est un séjour aux mânes des saints ; si, comme le veulent les philosophes, les grandes âmes ne périssent pas avec les corps. »

On voit qu’il s’agit pour Tacite d’une opinion nouvelle, que les anciens n’avaient pas connue, et dont leur religion n’avait pas éprouvé le besoin. On a dit que les lois étaient le signe de la décadence des nations : comment se fait-il que la croyance à une vie future se répande parmi