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sane. Pour comble de misère, entre eux et le grand roi se place la tyrannie indigène. Plus de communion : des enrichis et des esclaves, pour qui la vie libidineuse remplace l’héroïsme. Les poésies d’Anacréon sont remplies de cette épouvante : rien ne fait mal à voir comme ce poëte octogénaire appelant sans cesse, contre la mort, l’étourdissement de la volupté :

Elles m’ont dit, les femmes :|
Anacréon, tu es vieux !
Prends un miroir, et regarde
Tes cheveux : il n’y en a plus.
Et ton front est ras !
— Moi, s’il me reste des cheveux
Ou si tous sont partis,
Je l’ignore ; mais je sais bien
Que c’est un devoir au vieillard
De mener joyeuse vie
Plus il approche de la mort.

Ainsi, la vie inimitable, comme la nommèrent Antoine et Cléopâtre, cette recette du désespoir, était pratiquée en Asie dès le temps d’Anacréon, cinq siècles avant J.-C.

Après la grande guerre médique, la Grèce se déchire par la guerre civile ; chaque république appelle l’étranger, et toute liberté expire sous les Macédoniens. Épicure paraît, et ce qu’avait chanté Anacréon, son école le met en théorie.

C’est cette théorie qui, jointe au scepticisme de Carnéade, excita d’abord la réprobation des Romains.

Mais la grande république penche à son tour vers sa ruine ; l’empereur remplace la communion latine : vainqueurs et vaincus deviennent les pâles sujets de la mort. Lucrèce place sa philosophie sous l’invocation de Vénus. Horace se range sans façon dans la grande étable, avec Mécénas et ses amis. Toute la noblesse, l’ordre équestre,