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dépit de nos prétentions à la sainteté et de notre verbiage, restent encore nos modèles.

Inutile d’observer, du reste, que de ces deux conditions desquelles dépendait la bonne mort, savoir la plénitude de la vie et la communion sociale, la première suppose la seconde. Pas de vie pleine pour l’esclave, pour le condamné, pour le banni, pour celui dont la patrie était envahie par l’étranger, déchirée par la guerre civile, ou asservie par le tyran. Pour celui-là, vide absolu de l’existence ; conséquemment, la mort avec toutes ses horreurs.

XLI

Aussi, quel désespoir saisit la société antique, quand par l’effet des révolutions le lien social vint à se rompre, et qu’il n’y eut plus de communion ! C’est un des phénomènes les plus saisissants de l’histoire, et en même temps le moins compris, pour ne pas dire le moins aperçu. À mesure que la vie collective se dissout, que la vie individuelle perd de sa plénitude, on voit s’accroître l’angoisse de la mort. Il semble que les âmes désolées, autrefois si calmes, si vivantes dans la mort, crient sous son aiguillon. Le grand Pan est mort ; les âmes sont dans la consternation, elles remplissent l’air de leurs gémissements !

Alors commence la période de dissolution : la conscience, isolée, perdue, cherche un remède à l’horreur qui la tourmente, et tâche en vain de s’étourdir. C’est une déroute, un sauve-qui-peut. La poésie rêve de squelettes ; les francs-maçons d’Éleusis offrent leurs mystères, les philosophes leurs abstractions. Qui nous délivrera de cette atroce pensée de la mort ? Car, hélas ! plus de patrie, plus d’euthanasie : la vie et la mort sont toutes deux absurdes.

C’est par l’Ionie que commence la débâcle.

Les Grecs d’Ionie sont tombés sous la domination per-