Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/98

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle est de tous les temps et de tous les pays. Elle date du jour où l’homme, se défiant de lui-même, a fait, pour son malheur, appel à une Autorité invisible, rémunératrice et vengeresse ; mais c’est à la fin du dernier siècle, et sur le sol glorieux de France, qu’elle a fait sa plus éclatante explosion.

Ceci expliqué, la théorie de la Justice, innée et progressive, se déduit toute seule.

Sans doute, avant son immersion dans la société, ou, pour mieux dire, avant que la société ait commencé de naître de lui, par la génération, le travail et les idées, l’homme, circonscrit dans son égoïsme, borné à la vie animale, ne sait rien de la loi morale. De même que son intelligence, avant l’excitation de la sensibilité, est vide, sans notion aucune de l’espace ni du temps, de même sa conscience, avant l’excitation de la société, est vide aussi, sans connaissance du bien ni du mal. L’expérience des choses, nécessaire à la production de l’idée, l’est aussi au déploiement de la conscience.

Mais de même aussi qu’aucune communication externe ne saurait par elle-même créer l’intelligence et faire jaillir par myriades les idées ailées sans une préformation intellectuelle qui rende le concept possible, de même encore les faits de la vie sociale auront beau se produire et l’intelligence en saisir le rapport, ce rapport ne se traduira jamais pour la volonté en une loi obligatoire, sans une préformation du cœur, qui fait apercevoir au sujet, dans les rapports sociaux qui l’atteignent et l’embrassent, non-seulement une harmonie naturelle, mais une sorte de commandement secret de lui-même à lui-même.

Ainsi, selon la théorie de l’immanence, quand même la Révélation serait prouvée, elle ne servirait encore, comme l’instruction du maître sert au disciple, qu’autant que l’âme posséderait en soi la faculté de reconnaître la loi