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XI

Système de la Révolution.

L’autre système, radicalement opposé au premier, et dont la Révolution a eu pour but d’assurer le triomphe, est celui de l’Immanence, ou de l’innéité de la Justice dans la conscience.

D’après cette théorie, l’homme, quoique parti d’une sauvagerie complète, produit incessamment, par le développement spontané de sa nature, la société. Ce n’est que par abstraction qu’il peut être considéré à l’état d’isolement et sans autre loi que l’égoïsme. Sa conscience n’est pas double, comme l’enseignent les transcendantalistes : elle ne relève point, pour une part, de l’animalité, et pour l’autre, de Dieu ; elle n’est que polarisée. Partie intégrante d’une existence collective, l’homme sent sa dignité tout à la fois en lui-même et en autrui, et porte ainsi dans son cœur le principe d’une moralité supérieure à son individu. Et ce principe, il ne le reçoit pas d’ailleurs ; il lui est intime, immanent. Il constitue son essence, l’essence de la société elle-même. C’est la forme propre de l’âme humaine, forme qui ne fait que se préciser et se perfectionner de plus en plus par les relations que fait naître chaque jour la vie sociale.

Ainsi, quand je me sers du mot immanence, je ne le prends pas au sens de Spinoza, disant de Dieu qu’il est la cause immanente de toutes choses ; ni à celui de Hégel, qui, faisant Dieu identique à l’esprit universel, conclut que Dieu est immanent dans l’humanité.

J’écarte tout théologisme, toute théorie de l’Absolu. Je dis simplement que la Justice est en nous comme l’amour, comme les notions du beau, de l’utile, du vrai, comme toutes nos puissances et facultés. Et je nie en conséquence que, tandis que nul ne songe à rapporter à