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CHAPITRE II.

Comment la notion de Justice résulte de l’opposition de l’individu et du groupe. — Difficulté du problème : nécessité d’une solution.

IV

Dans le sujet considéré isolément, l’étude de la Morale, quelques variantes que lui fasse subir l’influence du dehors, ne paraît pas souffrir de difficulté sérieuse. L’homme se subordonnant la nature, la contradiction ne tient nulle part.

Il n’en est pas de même du sujet considéré dans ses rapports avec ses pareils, et l’on se demande tout d’abord si une science des mœurs, dans une collectivité, est possible.

Telle est la question qui, dès le vestibule du temple, attriste l’esprit de sa sombre obscurité. Ici, en effet, commence la série des problèmes qui fait le désespoir des philosophes et le triomphe des révélateurs.

J’ai dit plus haut (Déf. 3) que dans le sujet quel qu’il fût, individu ou groupe, considéré en lui-même et abstraction faite de tous rapports extérieurs, la règle des mœurs est le bien du sujet, ce qu’on nomme la maxime de félicité.

Mais l’individu et le groupe ne peuvent être séparés l’un de l’autre, ni par conséquent leurs mœurs étudiées à part : ils se pénètrent essentiellement. Or, il peut arriver, et l’expérience prouve qu’il arrive en effet tous les jours, que l’intérêt de l’individu et celui du groupe, malgré le lien de sympathie qui les unit, soient différents et même opposés : comment concilier ces deux intérêts, si pour l’un comme pour l’autre la maxime des mœurs reste la même, la félicité ?