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J’ai entendu le flageolet du Temps. Il m’avertit que l’heure est venue de combattre le grand combat. Il faut, tandis que la multitude est à genoux, arracher la vertu au vieux mysticisme, extirper du cœur des hommes ce reste de latrie qui, entretenant la superstition, détruit en eux la Justice et éternise l’immoralité.

Le dix-huitième siècle n’a été qu’une escarmouche. Sa critique, libertine et superficielle, ne pouvait obtenir une victoire qui exigeait, avec la plus haute raison, la morale la plus pure.

Comment Voltaire, avec tout son esprit, eût-il écrasé l’Infâme, quand il lui donnait pour sauf-conduit la Pucelle ?

Comment la Révolution, avec toute sa vigueur, eût-elle fondé la liberté, quand elle s’inclinait devant la théologie ? Philosophe avec Bailly, Condorcet, Clootz, Marat, Volney, la Révolution en la personne de Robespierre se donne à Dieu, et le lendemain se retrouve chrétienne. Dès qu’elle s’appuie sur la foi, la vertu révolutionnaire aboutit à la corruption de thermidor.

Le socialisme lui-même, qui d’abord s’annonçait comme étant la Raison à la fois spéculative et pratique de l’Humanité, qui à ce titre se posait en antechrist ; le socialisme, demeuré théologique en ses dogmes, évangélique en ses discours, pontifical en ses églises, parlant à une société défaillante de volupté, d’essor passionnel, d’amour libre, d’émancipation de la femme et de réhabilitation de la chair, quand il fallait lui administrer le cordial énergique de la Justice, le socialisme a failli à sa mission et s’est contredit lui-même : son œuvre est à recommencer.

Plus d’équivoque, à cette heure ; plus de ces transactions qui déshonorent tous les partis. On attaque la Révolution dans ses idées et dans ses mœurs ; on la flétrit dans