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rique est donc, en premier lieu, la force, la spontanéité, le combat ; puis la reconnaissance de la loi qui le mène, et qui n’est autre que l’équation de la liberté, la Justice. L’être libre en se débattant produit la loi, qui devient aussitôt sa Providence : voilà tout le mystère.

D. — Qu’est-ce que la théocratie ?

R. — Une symbolique de la force sociale.

Chez tous les peuples, le sentiment de cette force fit surgir la religion nationale, sous l’influence de laquelle s’évanouirent peu à peu les religions domestiques. Partout le dieu fut cette force collective, personnifiée et adorée sous un nom mystique. La religion servant ainsi de base au gouvernement et à la Justice, la logique voulait que la théologie devînt l’âme de la politique, qu’en conséquence l’Église prit la place de l’État, le sacerdoce celle des nobles, et le souverain pontife celle de l’empereur ou du roi. Telle est l’idée théocratique. Produit du spiritualisme chrétien, elle attendait, pour paraître, le jour où, toutes les nations se réunissant dans une foi commune, la prépondérance serait acquise dans les âmes aux choses du ciel sur les choses de la terre. Mais ce fut le rêve d’un instant, une tentative aussitôt avortée que conçue, et qui devait rester toujours à l’état de théorie. L’Église, plaçant la réalité de son idéal dans le ciel, au-dessus et en dehors de la collectivité sociale, niait par là même l’immanence d’une force dans cette collectivité, de même qu’elle niait dans l’homme l’immanence de la Justice ; et c’est cette force, dont les princes demeuraient seuls dépositaires et organes, qui donna l’exclusion à l’Église.

D. — Quelle amélioration le christianisme a-t-il apportée au gouvernement des peuples ?

R. — Aucune : il n’a fait qu’en changer le protocole. Le noble antique, patricien, guerrier ou cheik, affirmait son usurpation en vertu de la nécessité ; le noble chrétien l’affirme au nom de la Providence. Pour le premier, l’inégalité était un fait de nature ; pour le second c’est un fait de grâce. Mais d’un côté comme de l’autre la royauté appuya le privilége nobiliaire, la religion le consacra. De là les prétentions de l’Église catholique à la souveraineté, et sa tentative de théocratie, énergi-