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dénoncer au pays cette influence intolérable du clergé, rendre coup pour coup à qui de droit. Point de justice pour l’impie : imprimeurs et libraires me ferment leur porte. Le sceau de l’Église est sur ma polémique : c’est à peine si l’on me laissera publier un livre de philosophie, un gros livre scientifique, métaphysique, historique, politique, économique, mais point du tout polémique, que ne regarderont pas les cent mille badauds qui ont dévoré ma biographie. La censure, soufflée par l’Église, arrête mes justes représailles. Point de recours : dans l’état où la recrudescence religieuse nous a mis, la loi ne protége point la vie privée ; la justice publique se tait, le parquet regarde faire. La police lit les opuscules de M. de Mirecourt vingt-quatre heures avant la mise en vente, et donne l’exequatur : le tribunal ne sera saisi que sur ma plainte ; et si la violence de l’outrage l’oblige à sévir, car il ne se dérangera pas pour une plaisanterie, il relatera tout au long dans son jugement la diffamation, sans dire si elle est contraire ou non à la vérité, et m’allouera pour ma réputation perdue 500 fr. de dommages-intérêts. (Voir les condamnations prononcées contre Mirecourt par le Tribunal de la Seine, 1857, au profit de Mirès et Bocage.) Supposons que je me venge : selon vous, Monseigneur, qui gouvernez par la grâce, j’aurai commis un assassinat, digne du dernier supplice ; selon le droit éternel, organisé par Moïse, j’aurai fait un acte de justice, une chose morale. Franchement, croyez-vous qu’il y ait aujourd’hui beaucoup d’hommes qui, au fond de leur cœur, hésitent entre ces deux définitions ?

XLI

Rassurez-vous : malgré les violences dont nous sommes témoins, je ne crois pas que la liberté ait besoin désormais, pour revendiquer ses droits et venger ses outrages,