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CHAPITRE V.

Corruption de la morale publique par le gouvernement de Providence.

XXVIII

La théorie fataliste viole la Justice par nécessité : elle peut, jusqu’à certain point, protester de sa bonne volonté et de sa bonne foi. C’est malgré elle qu’elle a recours à la raison d’État : elle préférerait suivre le Droit ; mais à l’impossible nul n’est tenu !…

La théorie providentielle, au contraire, viole la Justice avec préméditation, de propos délibéré, par motif de religion. Le païen n’adorait pas le Fatum, bien qu’il l’interrogeât, le chrétien ne cesse de baiser les pieds à la Providence.

Il est de foi dans l’Église que Dieu, étant l’auteur des lois morales, peut à son gré y déroger pour l’accomplissement de ses desseins. La Bible en fourmille d’exemples. Ainsi Jéhovah suggère à Jacob toutes ses filouteries envers son frère et son beau-père ; c’est lui qui inspire à Joseph le conseil que celui-ci donne à Pharaon, d’organiser un immense monopole, à l’aide duquel le roi devient propriétaire de toute la terre d’Égypte ; c’est lui qui commande aux Hébreux de voler les vases des Égyptiens. Dans les Rois, il envoie à Achaz un esprit de mensonge ; dans les Juges, il ne permet pas que les fils d’Héli se rendent aux représentations de leur père, parce que son intention est de les tuer ; dans l’Exode, il endurcit Pharaon pour le perdre ; dans les Prophètes, il commande à Osée de s’approcher d’une fille publique et de lui faire des enfants, etc.

C’est un régime de dispensations, d’exceptions, de