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sément sur l’absence d’écritures ! Vous nous réclamez 1,303,783 fr., dit Mgr Bonamie à madame de Guerry : vos titres ? Je vous défie d’en produire. Et madame de Guerry, qui a tout donné, ne peut pas invoquer les livres de la communauté : ces livres n’existent pas ; il n’y a de compte ouvert pour personne ! les dons tombent dans la caisse commune, comme la manne sur le camp d’Israël. En effet, le vœu de pauvreté, qui forme la base des communautés religieuses, exclut l’idée de cette comptabilité égoïste. En sorte que ce qui, pour un négociant, motiverait une déclaration de banqueroute frauduleuse, en religion est réputé à sainteté. (Mémoire à consulter pour Mme  de Guerry, par M. Émile Olivier, 1857.)

Des écritures, des pièces justificatives, un contrôle, un syndicat, une cour des comptes tout à l’heure ! hérésie, anarchie que tout cela ! La politique du ciel n’a rien de commun avec le code de commerce. L’épiscopat, qui n’a inventé ni l’imprimerie, ni la boussole, ni les chemins de fer, ni le télégraphe électrique, n’a pas davantage inventé la tenue des livres en partie double. Il repousse de toutes ses forces l’introduction de cette pratique de méfiance dans une administration qui ne relève que de la foi… Et il a mille fois raison. Soumettez le gouvernement ecclésiastique aux règles de l’administration séculière, vous déclarez ipso facto la religion inutile ; vous substituez à la révélation l’économie politique.

Au reste, ce procédé de gestion n’est point particulier à l’Église : il est de l’essence du communisme. Avec la sévérité dans les comptes et le contrôle des écritures, point de communauté possible (Système des contradictions économiques, tom. II, ch. xv). À cet égard, j’ai été témoin de faits curieux. En 1846, lorsque le fondateur d’Icarie, Cabet, s’occupait de recueillir des souscriptions pour le cautionnement du Populaire, il lui arriva à plu-