Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/438

Cette page a été validée par deux contributeurs.

contre les défaillances de la foi ? Est-ce encore la foi qui garantira la foi ?…

J’aurais honte avec vous de presser l’argument. Ce qui est sûr, c’est que, la foi étant de toutes les choses la plus fragile, la plus légère, la plus inconstante, la plus précaire, Modicæ fidei, disait sans cesse le Christ aux apôtres, le gouvernement de la foi est par nature le plus immoral des gouvernements. Favoritisme, népotisme, pot-de-vin, concussion, vénalité, gaspillage, désordre, oppression, déni de justice : voilà quels sont, avec l’absolutisme du commandement, l’inclémence de l’autorité, l’inquisition des consciences, la justice secrète, les éléments de tout pouvoir établi sur la foi, dépourvu par conséquent de formes et de garanties.

XXIII

C’est en vain que le Christ a dit, tout exprès pour les chefs de l’Église : Rendez vos comptes, Redde rationem. Des comptes ! oui bien, disent-ils, dans l’autre vie, au tribunal de Dieu ; non pas sur la terre, à nos propres subordonnés, ce qui serait contradictoire. Eh quoi ! l’Église, la puissance souveraine, rendre compte au peuple ! L’autorité s’expliquer devant l’obéissance ! Elle ne s’explique pas devant elle-même. Madame de Meillac, supérieure de la communauté de Notre-Dame de Bordeaux, a-t-elle pu obtenir que madame Saint-Bernard, qui l’avait précédée dans l’administration de cette communauté, rendît ses comptes ? Et quand, après une réélection, elle voulut reprendre ses livres, tombés momentanément en des mains infidèles, ne les trouva-t-elle pas lacérés et les pages enlevées ?…

Et dans le procès intenté par madame de Guerry contre les dames de Picpus, sur quoi repose l’argumentation de Mgr Bonamie, défendeur ? Chose incroyable ! préci-