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volontaires. Son ministère, d’ordre transcendantal, n’est point soumis aux lois de la mercenarité, pas plus que la religion ne tombe sous la loi de l’offre et de la demande. Naturellement les dons faits à l’Église, de même que l’aumône et le jeûne, sont considérés comme un moyen pour les pécheurs d’obtenir les grâces célestes et de se racheter de leurs péchés. Or, parmi les grâces que peut mériter le dépouillement en faveur de l’Église, figurent sans contredit les dignités ecclésiastiques. Que de grands seigneurs autrefois et de grandes dames devenus chefs de communautés religieuses, par cela seul qu’ils en avaient été les bienfaiteurs, les fondateurs !… Y avait-il pour cela commerce ? Entre ces deux faits si disparates, la donation du fonds et la nomination du donateur par le supérieur hiérarchique, faut-il nécessairement établir un rapport de vénalité ? Ce serait aussi absurde que de dire que vous, Monseigneur, vous avez obtenu votre chapeau de cardinal en échange d’un ostensoir d’or. Voici l’histoire, telle qu’elle m’a été contée :

Vers la fin de 1848, quand Pie IX était encore à Gaëte, vous prescrivîtes des prières pour le salut de Sa Sainteté. Des prônes furent débités à cette occasion, dans lesquels on dépeignait sous des couleurs lamentables la pauvreté du pape et les persécutions que lui faisaient souffrir les républicains. Les esprits ainsi préparés, on annonce une quête, dont Monseigneur doit porter en personne, au nom de l’église bisontine, le produit à Sa Sainteté. La collecte fut, dit-on, abondante ; on n’a pu m’en spécifier le chiffre. Le riche avait versé son offrande, la veuve avait déposé son obole. Allant à Rome, et passant par Paris, Votre Éminence avisa chez un orfévre un superbe ostensoir, destiné d’abord à la chapelle de la reine Marie-Amélie, et dont le 24 février avait empêché la livraison. Vous crûtes, apparemment, que ce riche meuble