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XIX

Où est, me demandera-t-on, le gouvernement chrétien ?

Je réponds sans hésiter : Dans l’Église, dans l’épiscopat, dont le chef suprême est le Pape. C’est par l’institution de l’épiscopat que le christianisme traduit politiquement son idée : l’évêque, ἐπίσκοπος, c’est-à-dire le surveillant, voilà, mot pour mot, le représentant de la Providence. Le peuple, médiateur collectif, comme dit l’abbé Lenoir, ne l’institue pas ; il ne lui impose pas les mains, il ne lui confère pas les pouvoirs. La puissance vient d’en haut, apportée premièrement par le Christ, comme le feu du ciel par Prométhée, puis communiquée aux apôtres, qui la transportèrent à leurs successeurs. La prérogative du peuple, là où elle s’exerce, ne va que jusqu’à la présentation du sujet à instituer : affaire de pure complaisance, de convenance, de circonstance, qui n’est point essentielle au sacrement, et qui a pu tomber en désuétude sans que l’épiscopat perdît rien de son autorité.

Oui, l’idée chrétienne, populaire, est que le gouvernement de la société réside dans le corps sacerdotal, dans la puissance appelée spirituelle, de laquelle la temporelle émane et tire sa légitimité. Telle est l’idée que le peuple, d’accord avec la papauté, a longtemps soutenue ; idée qui fait la base du pacte de Charlemagne, et à laquelle s’est sacrifiée l’Italie. Depuis des siècles l’Église a dû transiger sur la séparation des pouvoirs, sans oser la qualifier, comme elle en avait le droit, d’hérétique. Mais la Providence veille ; la Foi commande l’Espérance, et le Christ a dit : Les portes de l’Enfer, c’est-à-dire, la Puissance inférieure, ne prévaudront pas.

Elle ne saurait prévaloir, en effet, cette puissance, tant