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on ne sait ce qui arriverait de ce régime inouï, le gouvernement, fidèle aux idées conservatrices, se rejette dans la tradition.

D. Précisez le sens de ces mots : Suspension de la loi, suspension de la liberté, suspension de la Justice ?

R. La liberté, la loi, le droit, sont suspendus toutes les fois que leur considération cède à la raison d’État. D’après ce qui vient d’être dit du privilége, l’ensemble des actes du pouvoir n’est guère autre chose qu’une suite de suspensions du droit. Mais les politiques réservent cette expression pour les cas où la suspension est plus éclatante, plus impitoyable. Alors le pouvoir affecte la solennité, il se drape : et la multitude d’applaudir à une puissance qui prime la Justice même.

D. Comment la démocratie, qui depuis 89 a tenu plus d’une fois le pouvoir, n’a-t-elle pas profité de l’occasion pour établir à tout jamais la suprématie du droit et abolir la raison d’État ?

R. C’est que la démocratie n’a jamais cru à l’égalité, qu’elle ne comprend rien à la balance économique et n’aspire qu’à une modération dans la servitude. Or une servitude modérée a tout autant besoin de raison d’État qu’une servitude rigoureuse : ce qui met la démocratie de pair avec l’absolutisme, et la tue aussitôt par la contradiction.

D. Qu’appelez-vous tyrannie ?

R. Une façon acerbe, outrageuse, personnelle au prince, d’appliquer la raison d’État. Au fond, tous les gouvernements établis sur le fatalisme économico-politique sont tyranniques. Ils ne se distinguent les uns des autres que par le plus ou le moins de rigueur ou de dissimulation dont ils usent dans l’application du système.

D. Qu’est-ce qui distingue l’usurpation de la légitimité ?

R. Au commencement, chez un peuple qui n’a pas éprouvé de révolutions politiques, la différence paraît